Le packaging : un métier en tension et en transformation, de l’emballage à l’objet connecté par Solène Joulin, Capgemini Engineering

Solène Joulin, Senior Sales Manager, Capgemini Engineering, se penche dans l’univers du packaging : un pilier historique de l’expérience d’achat dans le monde du luxe. À l’heure où les clients sont de plus en plus connectés, l’emballage ne se résume plus à un simple contenant, aussi sophistiqué et durable soit-il. En embarquant de la technologie, il renforce l’engagement et la fidélité des consommateurs. Aux acteurs de la filière packaging de s’adapter.

C’est le mantra des marques de luxe pour fidéliser leur clientèle : offrir une expérience toujours plus connectée et personnalisée. Selon une étude Salesforce¹, 88% des consommateurs jugent aujourd’hui l’expérience d’achat d’une entreprise aussi importante que ses produits ou services, contre 80% en 2020. Si cette exigence doit se traduire en actes tout au long du parcours d’achat, le packaging s’avère crucial. D’autant plus qu’il cristallise des sentiments contradictoires chez les consommateurs : d’une part, une certaine mauvaise conscience – 43%² des 18-34 ans déclarent éprouver de la culpabilité quand ils font certains achats –, d’autre part, le désir d’une expérience enrichie.

Les spécialistes du packaging font aujourd’hui face à un double enjeu. Le premier est de proposer des emballages durables qui doivent passer du statut simple contenant – appelé à devenir un déchet – à celui d’un véritable objet. Le second enjeu consiste de proposer aux clients une expérience luxueuse, y compris dans des circuits de distribution qui ne le sont pas. La technologie joue à ce titre un rôle clé. Comment ? En mariant le produit physique à un environnement digital enrichi, assorti de multiples services associés. Il ne s’agit pas d’innover pour simplement éblouir le consommateur. Il faut envisager l’emballage comme une porte d’entrée vers l’écosystème de la marque, composé de services associés, pouvant varier selon la période, la localisation ou l’identité de l’acheteur, de façon à personnaliser son expérience. C’est aussi pour la marque un bon moyen de maîtriser le retour sur investissement de ses campagnes et de connaître davantage ses clients.

Le leader mondial du secteur, L’Oréal, a quant à lui fait le choix d’une technologie bien connue du grand public, le QR code, pour tisser un lien entre ses 7 milliards de produits vendus chaque année et l’univers numérique. Un fois l’emballage scanné, le consommateur accède aux ingrédients, à des guides d’utilisation, aux instructions à suivre pour assurer sa recyclabilité Il peut même échanger avec des experts pour un accompagnement personnalisé. De quoi répondre aux attentes de consommateurs toujours plus exigeants, soucieux de la qualité des produits et intransigeant sur la sécurité et la transparence. Ces QR codes permettent également de repenser le parcours client grâce à de nouveaux services comme l’essai virtuel, proposé par exemple pour les colorations.

Autre marque de la galaxie L’Oréal, Lancôme a elle aussi parfaitement saisi les enjeux en présence : mettre la technologie au service de l’expérience client en proposant une immersion qui débute en boutique. Le Teint Particulier permet à chaque femme d’obtenir son propre fond de teint sur mesure, en fonction de sa carnation de peau et du niveau d’hydratation et de couvrance désiré. Une conseillère de beauté Lancôme débute la consultation par un scan de la peau à trois endroits différents afin d’en analyser précisément le type et la teinte. À la clé : 72 000 combinaisons possibles, grâce à un algorithme spécialement développé

Pour concrétiser ce type de rupture technologique, tout est affaire de compétence et de savoir-faire. Le secteur de la cosmétique est en train de vivre un basculement : passer d’une expertise technique à une expertise technologique de nature à créer un véritable écosystème où produits et services se complètent et enrichissent l’expérience consommateur.

Une nécessaire montée en compétence

Les grandes marques mondiales subissent d’énormes pertes en raison de la présence de produits en double sur le marché. Pour pallier ces inconvénients des emballages traditionnels, les principaux acteurs de l’industrie de l’emballage consacrent des sommes importantes au développement de solutions d’emballage innovantes et de nouvelle génération. Il est nécessaire que les fabricants d’emballages intègrent des solutions d’emballage intelligentes grâce auxquelles les consommateurs pourront suivre, tracer et rechercher des informations sur le produit. Une grande marque de boissons, Coca-Cola, est passée à l’emballage intelligent en proposant des étiquettes NFC (Near Field Communication) imprimées électroniquement sur ses bouteilles.

La demande d’emballages interactifs augmente à mesure que de plus en plus de marques, notamment dans le secteur des aliments frais et des produits de grande consommation, adoptent des technologies d’emballage intelligentes et modernes comme la RFID, les capteurs avancés, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique. L’intelligence d’une étiquette intelligente peut être un simple code QR.

En 2021, Avery Dennison a annoncé son partenariat avec la marque de vêtements UpWest et l’innovateur en matière de revente de vêtements ReCircled pour exploiter les étiquettes d’entretien numériques d’Avery Dennison afin d’augmenter la réutilisation des vêtements. Les étiquettes contiennent un code QR qui renvoie à une application expliquant comment un vêtement particulier a été fabriqué, comment il doit être entretenu et, enfin, où il peut être envoyé pour être recyclé. L’application est alimentée par atma.io, la plateforme cloud connectée d’Avery Dennison.

Rapprocher l’IT des métiers

Pour faire du packaging connecté un élément central de l’expérience client, encore faut-il donc bénéficier d’une expertise suffisante. Certes, des partenaires externes peuvent répondre aux attentes des marques de luxe en termes d’exécution et de supervision de l’environnement digital, mais les marques doivent de leur côté assurer la montée en compétence de leurs collaborateurs pour s’engager dans la voie du packaging 4.0. Elles ont également tout intérêt à estomper les frontières entre packaging, IT et production, en intégrant des profils experts au sein de leurs équipes métiers. Et ce, pour en finir avec les silos et encourager une « fertilisation croisée » au service de l’innovation.

Ce défi de taille porte en lui de nombreuses opportunités pour les acteurs du packaging. Ce n’est qu’en accompagnant leurs collaborateurs dans la transformation de leurs pratiques professionnelle à l’aune du packaging 4.0 que les entreprises pourront fidéliser les effectifs, dans un marché du travail sous tension.

Confrontées à la nécessaire personnalisation de leur expérience client dans un contexte de forte concurrence, la question n’est désormais plus de savoir si les marques du marché du luxe franchiront le pas des emballages connectés mais bien à quelle échéance cela se produira… Selon Precedence Research³, le marché mondial du smart packaging atteignait près de 40 milliards de dollars en 2021 et devrait dépasser 63 milliards d’ici 2030. Les acteurs du luxe sont prévenus : l’emballage de demain sera connecté ou ne sera pas !

Sources :

¹ « Focus sur le client connecté », Salesforce, 2022.
² « Next Leading Brands », Etude Babel / BVA, mai 2021.
³Globenewswire

Partagez cet article

Facebook
Twitter
LinkedIn